CAHIERS QUEBECOIS DE DEMOGRAPHIE

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Canada (Montréal) 07

CAHIERS QUEBECOIS DE DEMOGRAPHIE

PRINTEMPS 1996 - VOLUME 25, NUMERO 1

Savoir démographique et pratique du pouvoir dans le Tiers Monde. Perspectives historiques

Numéro dirigé par Raymond R. GERVAIS

97.07.1 - français - Michel CARTIER, Ecole des hautes études en sciences sociales, Paris (France)

Enregistrement de la population et recensements. La tradition chinoise (p. 13-38)

Le cas de la Chine est à maints égards exemplaire, car non seulement se caractérise-t-il par son ancienneté, mais il a connu au cours des siècles une expansion dans la région ; on peut donc parler d'un modèle. Instrument de dénombrement administratif, les premiers " recensements " avaient pour objectif de permettre la gestion des listes de corvéables. Victimes de modifications des règlements, ces listes furent vouées à la désuétude et remplacées, lors du changement de dynastie, en 1644, par des registres fiscaux. Afin de mettre en relation les connaissances économiques - en particulier les prix du grain - et un état de la population, l'administration centrale des années 1740-1780 poussa les services de maintien de l'ordre à la production de registres nominatifs. Une autre source de connaissance comprend les généalogies, qui peuvent générer une masse d'informations. Avec quelques modifications, le modèle chinois se diffusa dans la région sinisée comprenant le Japon, le Vietnam et la Corée. Chaque cas met en valeur des similitudes et des différences par rapport au modèle, et ce en fonction de l'histoire de chaque société. (CHINE, ASIE ORIENTALE, HISTOIRE, RECENSEMENT DE POPULATION, REGISTRE DE POPULATION, IMPOTS)

97.07.2 - français - Roland LARDINOIS, Centre d'études de l'Inde et de l'Asie du Sud, Ecole des hautes études en sciences sociales, Paris (France)

Rumeurs, résistances, rébellions : la mise en place des recensements dans l'Inde coloniale (XVIIIe-XXe siècles) (p. 39-68)

L'auteur étudie les réactions de la population de l'Inde coloniale aux pratiques de dénombrement développées par les Britanniques à des fins fiscales et censitaires. Trois types de réactions ponctuent cette histoire : des rumeurs, des résistances spontanées (au sein des tribus santhal) ou organisées politiquement par le mouvement nationaliste dans les années 1920 et 1930, et enfin des révoltes violentes, en particulier parmi la population tribale des Bhil, dans l'ouest du pays. Ces réactions, qui souvent s'entremêlent, sont à mettre en relation avec la construction d'un État colonial de type moderne. (INDE, HISTOIRE, COLONISATION, DENOMBREMENT)

97.07.3 - français - Robert H. JACKSON, Département d'histoire, de géographie et d'économique, Texas Southern University (E.-U.)

Naissance et métamorphoses du savoir démographique : le mestizaje des communautés indigènes de la Valle Bajo de Cochabamba, en Bolivie (p. 69-99)

Au XVIe et au XVIIe siècle, les conquérants espagnols créèrent un éventail de dénominations raciales pour désigner et catégoriser, à des fins fiscales, les populations américaines d'ascendance mixte. Étant donné que ce système de castes reposait sur le postulat que la filiation sanguine était reconnaissable à la couleur de la peau et aux caractéristiques physiques, les renseignements démographiques recueillis sur ces bases furent constamment marqués par l'imprécision. De plus, leur sens se transforma au fil des décennies. Les prêtres et les agents de recensement interprétèrent les termes raciaux de façon subjective et les utilisèrent en fonction de leurs préférences individuelles. Par exemple, il arriva que dans les registres d'une paroisse, après l'arrivée ou le départ d'un prêtre, la fréquence de l'une ou l'autre catégorie raciale présente, à court terme, des variations significatives. Les changements socio-économiques modifièrent aussi, à la longue, le sens des termes raciaux et la définition des statuts qui y étaient rattachés. La Valle Bajo de Cochabamba, en Bolivie, illustre ce processus : la multiplication des mestizos dans les trois communautés indigènes étudiées ici ne fut pas strictement affaire de mélange racial et doit être mise en rapport avec l'évolution des identités et des statuts assignés aux indios. (BOLIVIE, HISTOIRE, COLONISATION, RACE, METISSAGE, QUALITE DES DONNEES)

97.07.4 - français - Raymond R. GERVAIS, Centre d'études sur les régions en développement, Université McGill, Montréal (Canada)

État colonial et savoir démographique en AOF, 1904-1960 (p. 101-131)

L'amnésie entourant les processus de production des estimations de population dans l'Empire colonial français contraste singulièrement avec les efforts de clarification des autorités britanniques dès 1940. Afin de comprendre cet " oubli ", il faut bien mesurer le poids des diverses dichotomies à l'oeuvre au sein de l'État colonial : entre les divers échelons de l'administration, entre les tâches administratives et techniques, entre le système colonial et le reste de la communauté internationale. Dans le domaine démographique comme dans beaucoup d'autres, un mimétisme institutionnel et technique fut imposé aux administrateurs outre-mer, avec cette spécificité notable qu'il y eut toujours prééminence accordée à l'acte de compter sur sa crédibilité méthodologique. Puis, après les premières circulaires (celles de 1904 et 1909), les opérations de " recensement " colonial vont implacablement se confondre avec les tâches quotidiennes de l'administration : fiscalité, justice, police, etc. Cette évolution ne sera pas sans conséquence sur la forme et la finalité du savoir démographique produit en AOF. Les catégories classificatoires, les modes d'estimation et la législation (en particulier pour l'état civil) vont subir une dégénération en fonction de ces pressions. L'opposition larvée entre administrateurs et techniciens s'est donc nourrie de l'existence souvent contradictoire de séries de recensements administratifs annuels et des résultats d'enquêtes par échantillonnage, après 1954. On peut conclure à un bilan mitigé des efforts de construction d'un savoir démographique et surtout de son intégration dans les prises de décision concrètes. (AFRIQUE OCCIDENTALE, HISTOIRE, COLONISATION, ADMINISTRATION PUBLIQUE, DENOMBREMENT, QUALITE DES DONNEES)

97.07.5 - français - Yolande PELCHAT, Département d'anthropologie, Université Laval, Québec (Canada)

Expliquer les tendances démographiques en Afrique subsaharienne : les ambiguïtés du recours à la " culture " (p. 133-162)

Le savoir démographique est devenu un lieu de questionnement et d'investigation. A l'instar de chercheurs d'autres disciplines, les démographes s'interrogent sur les usages et les effets sociaux du savoir qu'ils produisent. Cependant, si l'on s'inquiète de l'utilisation que font les milieux politico-administratifs des connaissances démographiques - et des effets pervers qui peuvent en découler -, les différents " objets " auxquels font eux-mêmes appel les démographes dans leur travail ne semblent pas avoir suscité le même intérêt. A travers une analyse de travaux de recherche qui ont défendu la thèse de l'existence d'un " système africain " régissant les comportements procréateurs et sexuels, cet article cherche à attirer l'attention sur le caractère hybride du savoir démographique et sur les différents enjeux qui entourent la construction d'une " Afrique distincte ". (AFRIQUE AU SUD DU SAHARA, RECHERCHE DEMOGRAPHIQUE)


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