REVUE EUROPEENNE DES MIGRATIONS INTERNATIONALES

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France (Poitiers) 30

REVUE EUROPEENNE DES MIGRATIONS INTERNATIONALES

1997 - VOLUME 13, NUMERO 3

Les Catalognes, laboratoire de l'Europe

Coordination : Louis ASSIER-ANDRIEU, Danielle PROVANSAL, Alain TARRIUS

98.30.1 - français - Danielle PROVANSAL, Equip de Recerca en Antropologia dels Processos Identitaris (ERAPI), Université de Barcelone, c/ Baldiri Reixac s/n, 08028 Barcelone (Espagne)

Le nouvel " autre " en Catalogne et ailleurs. Innovations politiques, discours anthropologique (p. 11-28)

A partir d'une relecture des travaux les plus importants sur la diversité culturelle dans les différentes Autonomies ainsi que sur l'immigration, cet article envisage le rapport entre identité et altérité comme le résultat d'un processus de construction cognitive inhérent au processus de construction sociale et politique des autochtones et des migrants. Il souligne à cet égard l'interdépendance conceptuelle, méthodologique et, par voie de conséquence, cognitive entre les sciences sociales et les pouvoirs publics.

Les trois grandes étapes de ce processus de construction de " l'autre " correspondent à la constitution de l'Etat des Autonomies, à la période des migrations intérieures et, finalement, à la période des migrations intercontinentales. Au cours de la première période, les particularités culturelles de chaque région autonome sont mises en valeur, tandis que pendant la seconde étape les migrants en provenance d'autres régions d'Espagne font l'objet de mesures d'intégration qui visent à en faire une catégorie sociale incluse dans le " nous ". Finalement, dans la période contemporaine, les migrants extra-communautaires ne sont envisagés que sous l'angle de la différence, la culture servant alors de frontière symbolique difficile à surmonter. (ESPAGNE, PROVINCE, IMMIGRATION, POLITIQUE, CONTACT CULTUREL)

98.30.2 - français - Louis ASSIER-ANDRIEU, Institut Catalan de Recherche en Sciences Sociales (ICRESS), CNRS-Université de Perpignan, Maison des Pays Catalans, chemin de la Passio Vella, 66000 Perpignan (France)

Frontières, culture, nation. La Catalogne comme souveraineté culturelle (p. 29-46)

Ce texte interroge la nature propre de la Catalogne en vertu de ses contextes historiques et culturels, comme de ses réticences à se conformer au modèle de l'Etat moderne de souveraineté territoriale de la France ou de l'Espagne entre lesquelles elle est partagée. Les séries d'articulations anthropologiques qui conduisent de la langue à l'identification culturelle, de la structure sociale à la nation et au nationalisme, sont ici passées au crible théorique et historique des différentes façons dont on a pu penser en Europe l'inscription des peuples dans l'espace. Juridiquement ou idéologiquement, la définition de la Catalogne repose, c'est notre hypothèse, sur le spectre des figures de la frontière d'où émerge l'unité structurelle de ce qu'il est possible de qualifier, d'après Louis Dumont, une souveraineté culturelle. (ESPAGNE, PROVINCE, CULTURE, NATION)

98.30.3 - français - Naïk MIRET, Migrinter, UMR 6588, Maison des Sciences de l'Homme et de la Société, 99 av. Recteur Pineau, 86022 Poitiers Cedex (France)

E-mail : naik.miret@mshs.univ-poitiers.fr

L'évolution du panorama migratoire en Catalogne Sud, 1950-1975 (p. 47-69)

Cet article retrace rapidement l'histoire et la géographie de la substitution des flux migratoires qui s'est produite en Catalogne au cours des trente dernières années. Après les grandes vagues d'immigration interne de la première moitié du XXe siècle, les premiers immigrants étrangers font leur apparition au cours de la décennie soixante-dix. A cette substitution des origines migratoires correspond une transformation des polarités géographiques d'installation et des fonctions économiques des immigrés. A travers un grand nombre d'indicateurs statistiques et de références bibliographiques, cet article fournit des informations nécessaires à la compréhension de la complexité migratoire de cet espace. La comparaison de l'immigration interne et de la migration internationale permet d'analyser les processus migratoires dans une perspective historique qui permet de comprendre les logiques spatiales et économiques de leur intégration en Catalogne. (ESPAGNE, PROVINCE, IMMIGRATION INTERNE, MIGRATION INTERNATIONALE, IMMIGRANT)

98.30.4 - espagnol - Enrique SANTAMARÍA, Departamento de Sociología y Metodología de las Ciencias Sociales, Universidad de Barcelona, Barcelone (Espagne)

" Immigration non communautaire ", relativisme culturel et construction du " genre " (" Inmigracíon no comunitaria " : relativismo cultural y construcción de género) (p. 71-83)

La " dénonciation " de la situation des femmes arabes, musulmanes et/ou africaines occupe une place centrale dans le discours sur les migrations post-coloniales. Partant de ce fait, et sans nous interroger sur la justesse des descriptions de cette situation subalterne, nous avons choisi d'approcher cette question non comme il est habituel de le faire, à partir de l'analyse de cette situation, mais à travers l'analyse des actions et des discours qui, sur les migrants originaires de ce que l'on nomme le " Tiers monde ", traversent et transforment la société catalane.

Cet article a deux objectifs. Il cherche d'abord à élucider, au moins de façon approximative et provisoire, les usages qui sont faits de cette situation subalterne dans le discours sur " l'immigration non communautaire ", discours qui recourt au relativisme culturel. A partir de là, et c'est le deuxième objectif, nous pourrons explorer les fonctions symboliques que jouent les formes de ce discours pour la construction des identités ethniques et/ou de genre dans la Catalogne d'aujourd'hui. (ESPAGNE, PROVINCE, FEMME, IMMIGRANT, CONDITION FEMININE, PSYCHOLOGIE SOCIALE)

98.30.5 - français - Carmen GARCIA, Groupe de Recherche sur la Socialisation (GRS)-CNRS, Université de Lyon II, 5 av. P. Mendès-France, 69676 Bron Cedex (France)

La politique nationaliste et l'identification territoriale des immigrants de l'intérieur (p. 85-98)

La situation politico-juridique de la Catalogne du Sud, les revendications nationalistes qu'elle connaît et la politique de construction nationale que se propose son gouvernement impliquent une représentation duale de sa population en termes d'identité : les " catalans " et les " immigrés ". Ainsi, on a affaire à différentes formes d'identifications territoriales. Nous avons mis en relation l'objectivation des propriétés catalanes comme éléments de l'identité ethnique catalane et la construction d'une identité nationale catalane. Pour ce faire, nous avons, à partir du concept d'habitus, analysé l'habitus national catalan, comme en train de se construire à l'instar de l'identité nationale catalane. Nous avons rendu compte du fait que l'identité nationale catalane se construit à travers l'appropriation du discours nationaliste par ceux qui sont reconnus comme catalans et par ceux qui sont reconnus comme immigrés. Les différentes formes d'appropriation du discours nationaliste donnent lieu à une représentation commune de l'identité catalane. (ESPAGNE, PROVINCE, NATIONALISME, IMMIGRATION, CULTURE)

98.30.6 - français - Alain TARRIUS, Institut Catalan de Recherches en Sciences Humaines, 2 rue du Figuier, 66000 Perpignan (France), et Lamia MISSAOUI, CIREJED, Upres A, Maison de la Recherche, Université de Toulouse le Mirail, 31058 Toulouse Cedex (France)

Gitans de Barcelone à Perpignan : crises et frontières (p. 99-119)

En perdant dans les années 50 et 60 la complémentarité économique qui les liait aux sociétés locales grâce aux activités de maquignonnage et de travail du cuir, les Gitans catalans de part et d'autre de la frontière franco-espagnole ont réduit les solidarités communautaires nées dans les parcours de semi-nomadisme à celles de réseaux étroitement claniques. Ces solidarités claniques transfrontalières ont permis le développement, à partir de Barcelone, d'économies souterraines de l'héroïne dès lors que, poussées en cela par la misère grandissante et les dépendances politiques locales, elles devinrent mafieuses. Ces trafics se greffent sur des économies souterraines ethniques de plus grande ampleur, maîtrisées par des Sénégalais, des Marocains et des Gitans andalous. Les Gitans catalans, eux, autoconsomment l'héroïne qu'ils transitent : dès lors la contamination par le VIH prend des proportions alarmantes (jusqu'à 8 % parmi les hommes de 25 à 45 ans) et donne lieu à des tentatives conservatrices de retour à des valeurs anciennes particulièrement orientées vers la soumission des femmes. En réalité, " l'effet crise " dissimule une lente mais nette montée de l'autonomisation des femmes gitanes et suggère des résolutions susceptibles de bouleverser les normes constitutives du lien communautaire gitan. (ESPAGNE, PROVINCE, MINORITE ETHNIQUE, MIGRATION FRONTALIERE, CONDITION SOCIO-ECONOMIQUE)

98.30.7 - espagnol - Valeria BERGALLI, Equip de Recerca en Antropologia dels Processos Identitaris (ERAPI), Université de Barcelone, c/ Baldiri Reixac s/n, 08028 Barcelone (Espagne)

Contexte urbain et altérité à Barcelone. De nouveaux défis pour la Vieille Ville (Contexto urbano y alteridad en Barcelona. Nuevos desafíos para la Ciudad Vieja) (p. 121-133)

Le rôle que Barcelone assume dans le système global suppose qu'un processus de transformation des représentations de la ville soit en cours. Dans ce cadre, le centre historique de Barcelone, que l'on appelle la Vieille Ville, expérimente depuis quelques années une rénovation urbaine sur laquelle s'appuie le changement d'image de la zone. Cette réforme offre un nouveau contexte dans lequel situer l'analyse des définitions sociales que les différents acteurs autochtones se forgent face à la présence des immigrants étrangers. La dévalorisation sociale que cette présence provoque peut être contrecarrée en mettant en valeur les conséquences positives des initiatives économiques, sociales et culturelles des immigrants. (ESPAGNE, PROVINCE, CAPITALE, IMMIGRATION, SOCIOLOGIE URBAINE)

98.30.8 - français - Joan BECAT, Institut Catalan de Recherche en Sciences Sociales (ICRESS), CNRS-Université de Perpignan, Maison des Pays Catalans, chemin de la Passio Vella, 66000 Perpignan (France)

Les Portugais seront-ils les meilleurs Andorrans ? Réflexions sur l'évolution de la société et de l'identité andorranes (p. 135-156)

D'andorrane, cette Principauté est devenue cosmopolite. D'une stricte dépendance des États voisins, elle est passée au statut d'État constitutionnel, membre de l'ONU depuis 1993. Son économie a connu une croissance extraordinaire en moins d'un demi-siècle. Quasi exclusifs avant 1950, l'agriculture et l'élevage n'occupent qu'1 % des actifs, et la population a plus que décuplé. La société a été bouleversée dans ses structures, ses valeurs et son identité propre, avec des déséquilibres préoccupants et des déficits sociaux importants, les plus criants étant l'éducation nationale andorrane, la communication et les droits de la personne. Bien que leur nombre ait doublé en quarante ans, les Andorrans sont très minoritaires, un habitant sur cinq. Le débat essentiel est celui de l'identité : faut-il une politique de normalisation linguistique ? Quelle est l'attitude des diverses colonies étrangères ? Dans ce contexte, la question des fils d'immigrés est vitale pour l'avenir du pays car, futurs citoyens bientôt majoritaires en nombre, de leur attitude et de leur intégration dépend ce que sera Andorre. La plupart sont fils d'Espagnols, très peu sont Français, mais l'afflux de Portugais change la composition de ce groupe et les perspectives d'intégration. À côté des nationaux, les fils de Portugais seront-ils demain les meilleurs Andorrans ? (ANDORRE, PORTUGAL, IMMIGRATION, SOCIETE EN TRANSITION, MIGRANT DE LA DEUXIEME GENERATION, ASSIMILATION DES MIGRANTS)

98.30.9 - français - Roland VIADER, UMR 5591, FRA.M.ESPA., Maison de la Recherche, 5 allée A. Machado, 31058 Toulouse Cedex 1 (France)

La frontière démultipliée ou les origines de la question d'Andorre (p. 157-182)

Selon une querelle érudite des années 1890, les frontières d'Andorre s'enracinent dans un traité obscur du XIIIe siècle. L'analyse de ces arguments décalés dévoile la charge d'identification qui fit de chaque frontière une légitimation de la souveraineté. Mais, si le débat fut si virulent, c'est que l'articulation de ces trois termes (frontière, souveraineté, identité) fut manipulée pendant des siècles. Jouant des appartenances, les Andorrans multiplièrent les oppositions et provoquèrent la confusion des registres (politiques, économiques, culturels, etc.). Derrière ces leurres, leur société fut cependant construite sur une cascade de limites territoriales parfois minuscules, lesquelles survivent aujourd'hui sous couvert de droit privé. (ANDORRE, HISTOIRE, FRONTIERE, STATUT JURIDIQUE)

98.30.10 - français - Catherine GAUTHIER, Université Toulouse-le-Mirail, 4 rue des Tables Claudiennes, 69001 Lyon (France)

Mobilités migratoires marocaines : sociabilités et échanges marchands (p. 183-210)

Les mobilités des migrants marocains qui empruntent les routes d'Espagne pour aller et venir entre le Maroc et leur région d'installation en Europe font resurgir des continuités spatiales et des proximités sociales entre les deux rives du Détroit de Gibraltar.

Par leur passage et surtout leurs arrêts, ils appliquent à la géographie locale la carte de leurs propres enjeux et de leurs propres stratégies. Nous pouvons la lire à l'aide de l'observation des échanges marchands qui se manifestent au cours de ces circulations, entre migrants en transit et riverains. Parmi ces riverains : des autochtones, Espagnols en amont, Marocains en aval, mais aussi d'autres Marocains qui n'ont pas poursuivi leur migration plus avant et d'autres migrants encore, nouveaux habitants d'une Espagne en mutation. Les temporalités de la circulation et celles de ces riverains diffèrent ou se rejoignent. Autant de façons de décliner la rencontre ou l'absence de rencontre.

Les lieux d'échanges importants ne coïncident pas toujours avec les grands sites urbains, ni avec une forte concentration de compatriotes. En certains lieux, anodins en apparence mais chargés de sens affectif, symbolique, culturel, une seule personne peut suffire à l'émergence de convergence des itinéraires et des parcours migratoires. La réflexion sur la profondeur historique des régions et des formes urbaines supportant ces mobilités et l'analyse de leurs différentes strates peuvent ainsi permettre d'en comprendre l'impact sociologique. (ESPAGNE, MAROC, MIGRATION INTERNATIONALE, SOCIOLOGIE, COMMERCE)

98.30.11 - français - William GENIEYS, Centre Comparatif d'Etudes sur les Politiques Publiques et les Espaces Locaux (CEPEL), Université Montpellier I, Faculté de Droit, 39 rue de l'Université, 34060 Montpellier (France)

Élites intermédiaires, frontières institutionnelles en Europe du Sud : Catalogne et Languedoc-Roussillon (p. 211-227)

La sociologie politique comparée a trop souvent privilégié les approches " macro ". Dans cette perspective, les frontières étatiques sont bien souvent considérées comme un horizon indépassable pour l'analyse de la formation des élites politiques représentatives. Cependant, la transformation des régimes politiques et la construction de l'espace politique européen modifient ce contexte général. L'institutionnalisation d'élites représentatives au niveau intermédiaire en Catalogne et en Languedoc-Roussillon constitue un terrain d'études intéressant pour le sociologue qui souhaite mesurer la réalité des " effets de frontières " sur le personnel politique. Dans ce sens, l'analyse comparée des profils socio-graphiques des députés catalans et des conseillers régionaux du Languedoc-Roussillon est révélatrice. En effet, si l'on rencontre un nombre significatif de similitudes au niveau des " indicateurs objectifs " d'accès au mandat représentatif (âge, appartenance territoriale, niveau d'étude, situation socioprofessionnelle...), on note une profonde différence à travers les " indicateurs subjectifs " de la carrière politique (cumul des mandats, stratégies par rapport au centre politique...). Il s'avère alors que les institutions de la représentation politique n'ont pas le même sens de chaque côté de la frontière. (ESPAGNE, FRANCE, PROVINCE, ANALYSE COMPARATIVE, SOCIOLOGIE, ELITE, FRONTIERE)

98.30.12 - français - Paul MIGNON, Université de Perpignan, Département de Sociologie, Route de Villeneuve, 66000 Perpignan (France)

Mobilités estivales des jeunes banlieusards et nouvelles tensions sociales (stations du littoral catalan français) (p. 229-245)

Chaque été, depuis le début des années 80, les stations du littoral des Pyrénées Orientales reçoivent des groupes de jeunes qui viennent des banlieues des grandes métropoles françaises. Ces jeunes sont, dans leur grande majorité, d'origine maghrébine. Les destinations qu'ils ont choisies ont été jusqu'à ce jour essentiellement orientées vers la Méditerranée, au plus loin de la banlieue, au plus près du bled, mais aussi de la mer et du soleil, c'est-à-dire de ce que l'imaginaire populaire de la banlieue désigne comme synonyme de vacances.

La présence de ces groupes est très fortement remarquée et très mal ressentie, tant par les estivants traditionnels que par tous les acteurs du dispositif d'accueil touristique, ou encore par les autres jeunes, autochtones et estivants venus d'autres régions françaises ou d'Europe du Nord. Cette présence change aussi radicalement l'image et l'ambiance des stations, ainsi que, par voie de conséquence, l'image que se font les estivants traditionnels de leurs vacances. Elle créée également des tensions sur le marché de l'hébergement (campings et locations immobilières).

Face à cette situation, la ségrégation s'organise, s'institutionnalise, avec des processus de filtration qui se mettent en place d'année en année. Les jeunes banlieusards savent maintenant qu'ils sont accusés, jugés et condamnés pour " délit de présence ". Cette situation, si elle n'entraîne pas de diminution de leur fréquentation des stations, accentue leur rancune. (FRANCE, REGION, TOURISME, JEUNE, IMMIGRANT, SOCIOLOGIE)


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